jeudi 30 avril 2020

Six en Ludo, one en communication!


   
Macky SALL et ses enfants en train de jouer au Ludo
Toute image est un ensemble de signes qu’il convient d’interpréter. Elle ne prend son sens que par l’œil d’un regardant. Ce dernier ne peut s’empêcher de s’interroger, d’aller au-delà du paraître et va finir par se forger sa propre opinion. En d’autres termes, l’émetteur pourrait certes avoir une certaine influence sur la dénotation de l’image, mais la connotation l’échappe, elle est libre, variée et dépend d’un regardant à un autre. C’est un coup de dé, le résultat peut surprendre le joueur. Tout message a une cible et « dans la communication, le plus compliqué n’est ni le message, ni la technique, mais le récepteur ».  Le président de la République a publié des photos qui le montrent décontracté, chez lui, entouré de sa famille, prêt à faire bouger les pions (du Ludo bien sûr). Ces images ne feront pas l’exception, elles  seront passées au crible.

  
 « Faites comme moi », c’est le message que le président de la République semble vouloir envoyer aux Sénégalais. Masque au visage, tout en restant « chez lui », à côté de ses enfants, le comportement idéal actuellement. Cependant, tout mot a un second degré, il en est de même aussi pour une image. Le second degré de ces photos montre un président insouciant dans un contexte particulier. Le grand ne craint-il plus « l’infiniment petit qui fait trembler le monde entier » ? « Le président est un humain et doit faire sa vie comme tout le monde », m’a dit un ami. Je suis tout à fait d’accord avec lui. Sauf que certains moments de la vie de Macky ne doivent pas être publiés en ces temps de crise, ça peut choquer. Tout le monde est sur le pied de guerre et voir le « commandant des troupes »  jouer au Ludo, n’encourage pas les soldats. L’image idéale actuellement serait de le voir au chevet des malades et du personnel soignant pour les épauler, ce qu’il n’a pas encore fait d’ailleurs.

S’il a voulu sensibiliser, il a fait fausse route. D’abord, si tous les membres de la famille ont porté des masques, c’est qu’ils sont dans une certaine méfiance (on ne sait pas qui est qui). Alors, qu’est-ce qu’ils font de la distanciation sociale ? Pourquoi utilisent-ils le même pot s’ils pensent que le virus pourrait être là ? Les mesures de prévention constituent un ensemble qu’il faudra respecter de façon stricte, sans laxisme aucun. Si la communication présente de l’intérêt pour lui, le président devrait faire la différence entre ce qui est montré et ce qui pourrait être suggéré. 

jeudi 23 avril 2020

Covid-19: Soit on fonce, soit il nous enfonce


Ce coronavirus n’adore pas seulement ceux qui déambulent, il aime aussi ceux qui tâtonnent, ceux qui avancent sur la pointe des pieds, ceux qui tergiversent dans la prise de décisions. Il aime certainement la posture actuelle des autorités sénégalaises. Certes, pour combattre « ce petit qui terrorise les grands », il faut que les stratégies soient précises et concises mais elles doivent être prises sans demi-mesure. Ce virus s’est installé et il n’est pas encore prêt à plier bagage. Il ne nous donne pas aussi le temps de se creuser les méninges pour trouver la bonne formule. Soit on fonce, soit il nous enfonce.

Un mois de couvre-feu... port obligatoire du masque et après ?
Décrété le 23 mars dernier, le couvre-feu a été une décision prise pour éviter les rassemblements afin d’enrayer la chaîne de contamination du covid-19. Mais force est de reconnaître que cette stratégie a montré ses limites. Décidément, nous agissons comme si le virus ne frappait que la nuit. Résultat des courses, la quasi-totalité des cas communautaires ont été enregistrés dans les espaces publics (marchés, hôpitaux, transports en commun…) qui sont bondés de monde durant la journée. Finalement, le virus circule avec nous et se repose avec nous. La guerre n’est pas sécuritaire, elle est sanitaire et l’adversaire est sans scrupule.
Le port du masque est certes une solution pour éviter les contaminations, mais la manière d’imposer cette mesure est une bombe à retardement. En effet, avec la recrudescence des cas communautaires, la police ne devrait pas (comme on le voit dans les vidéos qui circulent) entasser les récalcitrants dans les véhicules. Il serait peut-être mieux que les forces de l’ordre distribuent des masques durant les premiers jours pour appeler les insoumis à une prise de conscience. Et puis quel masque porter ? Qui doit les confectionner ? Comment doit-on les utiliser ? Une multitude d’interrogations qui tournent autour de ce port généralisé de masque et qui restent sans réponses.

On passe à quoi ?
Dans ce combat, à chaque étape, la stratégie de riposte adéquate. L’heure est grave. En trois jours, le Sénégal a enregistré 102 cas positifs au covid-19 dont 12 issus de la transmission communautaire. Il urge de passer à une autre étape, de changer notre fusil d’épaule. En amont, deux mesures devraient être expérimentées : l’une est le confinement des zones les plus touchées pendant au moins 14 jours et l’autre est l’accentuation des dépistages dans ces zones pour en faire au moins 500 par jour. La première est certes bottée en touche par certains pour des raisons socio-économiques. Sauf que dans de telles situations, il revient à l’Etat d’être utile et de s’adapter pour venir à la rescousse des plus impactés. Des œufs seront forcément cassés pour goûter aux omelettes.


En aval, il faudra que l’Etat exerce, sans état d’âme, son « monopole de la violence physique et légitime» pour faire respecter les mesures barrières. Le cas identifié à Tivaouane est révélateur des défaillances notées dans la mise en œuvre de l’interdiction des transports interurbains. Pour juguler ce fléau, il va falloir sans doute hausser le ton et se montrer intransigeant face à certains comportements.