vendredi 20 avril 2018

Loi sur le parrainage : la légalité au détriment de la légitimité ?

crédit photo: Dakaractu

Au Sénégal, tout le monde retenait son souffle depuis l’annonce par le régime en place d’un projet de loi portant sur le parrainage. Un projet qui a suscité moult appréciations divergentes. Si les uns y voient une tentative de mettre en rade certains candidats pour balayer le chemin au président de la République, d’autres allèguent une nécessité d’assainir les modalités de candidature compte tenu du nombre exorbitant de partis existant au Sénégal. Tout compte fait, la loi a été votée ce jeudi 19 avril 2018 par les parlementaires malgré les nombreuses tentatives de l’opposition de la rendre vaine. Au-delà des partis politiques, les citoyens apolitiques semblent ne pas adhérer à ce projet ou même ne saisissent guère son essence.

L’Assemblée nationale à fini  par adopter ce jeudi 19 avril 2018 la loi portant sur le parrainage. Pendant plus de neuf heures de discussions et de chamailleries, les députés ont finalement obéi aux doigts et au nez du président de la République. Une décision prise au détriment des députés de l’opposition qui ont quitté l’hémicycle après le refus du président de l’assemblée de soulever le débat avant l’adoption de la loi. Une opposition qui présageait une bronca manifeste du peuple face à cette loi marquant ainsi le remake des événements du 23 juin 2011. Ce qui ne s’est pas d’ailleurs produit malgré les quelques foyers de tensions notés par ci et par là. La loi ainsi votée, devient légale, en attendant le décret de promulgation. Toutefois, on pourrait se demander si cette légalité ne ferait pas fi à la légitimité, deux vocables ayant des orientations mitigées.

Par légalité, nous entendons tout ce qui est autorisé par le droit positif existant, ce qui est conforme au texte de la loi. Quant à la légitimité, elle désigne tout ce qui est et doit être reconnu comme juste par tous dans une formation socio-politique déterminée. En principe, en démocratie la loi doit être universelle, c’est-à-dire établir l’égalité en droits et en devoirs généraux entre tous ; cette égalité est de principe, elle est donc soustraite au vote majoritaire car elle est une condition transcendantale (axiome de possibilité) de la démocratie et du choix majoritaire ; c’est-à-dire que cette égalité est fondatrice de fait démocratique et elle ne peut être contestée, ni soumise au vote sans abolir ce fait. Est donc légitime une loi qui met en forme l’égalité des droits et des devoirs fondamentaux et leurs limites telles qu’ils sont reconnus par la déclaration universelle des droits de l’homme afin d’éviter la violence et la domination. Ainsi, la loi sur le parrainage est désormais (incontestablement) conforme au droit positif existant comme le stipule la définition ci-dessus. Toutefois, on pourrait douter de sa légitimité dans la mesure où le peuple semble ne pas y adhérer. En effet, dans une démocratie représentative, « le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants » déclarait l’abbé Sieyès. Par conséquent, seuls les députés sont habilités à être les échos du peuple. Hélas ! Ces représentants s’acquièrent plus des vœux du chef de l’exécutif que des préoccupations des représentés, le législatif semble ainsi se dissoudre dans l’exécutif. Avec toute la bronca qu’a suscité le projet de loi, les députés de la majorité ont jugé nécessaire de ne pas laisser l’opportunité au peuple de poser le débat à travers leurs élus. Une majorité qui sans demi-mesure, semble imposer sa force en faisant la loi aveuglement alors que, comme le dit Albert Camus : « La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité ». L’hémicycle semble se transformer (ou même l’a toujours été) en un zoo peuplé de singes (qui ne lèvent la main que si leur leader est du même avis) et de perroquets (qui croaillent tout fort lorsque les intérêts du parti sont en jeu). Ne serait-il pas nécessaire de demander à chaque député de donner sa compréhension de la loi en jeu avant de s’exprimer dessus ? Dans un Etat où les représentants sont les premiers ignorants, qui se chargeront des préoccupations des représentés ? Une multitude d’interrogations qui peuvent être soulevées allant dans ce sens.
Dakar en feu et en gaz
crédit photo: Senego

La loi sur le parrainage à mon avis, reste crédible compte tenu de ses motivations à savoir la rationalisation de la sphère politique. Une question qui mérite certes d’être mise sur le tapis, mais semble être mal posée par le régime. Si ce dernier n’est préoccupé que par le nombre important de partis qui existent au Sénégal, ne serait pas plus raisonnable de parrainer les partis au moment de leur formation pour voir s’ils ont leurs raisons d’être ou pas ? Mais non, le régime en place a voulu passer par une autre voie entachée d’incertitudes et d’incohérences. Comment s’assurer de l’authenticité des signatures ? Comment protéger la confidentialité des données personnelles des signataires ? Le Conseil constitutionnel en tant que juridiction de droit est-il habilité à juger les faits ? Et tant d’autres questions qui n’ont pas eu le temps de trouver des réponses dans la précipitation des uns et le courroux des autres. Sachant que le cachet était difficile à avaler, le régime en place a tacitement déclaré l’état de siège justifié par une présence inexplicable des forces de l’ordre dans tout le territoire à la veille de l’adoption de la loi. Le peuple reste ainsi la seule victime qui ne semble ne plus savoir à quel saint se vouer. Mais comme disait Napoléon de Bonaparte : « Lorsque les peuples cessent de se plaindre, ils cessent de penser ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire