jeudi 3 mai 2018

Justice et liberté d’expression : une cohabitation épineuse




crédit photo: La riposte
L’un des droits les plus fondamentaux que détient une personne vivant dans une société est la liberté d’expression. Elle est devenue intrinsèquement liée à l’Homme en tant qu’animal parlant. Toutefois, cette liberté se heurte parfois à une justice en tant que principe moral impliquant la conformité de la rétribution avec le mérite, le respect de ce qui est conforme au droit. Quand la liberté d’expression se déchaîne, la justice resserre l’étau sur elle à travers ses fonctions régaliennes. Ce qui, d’ailleurs, rend leur cohabitation compliquée.

La déclaration universelle des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 affirme en son article 10 que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi ». De ce fait, la liberté d’expression est un principe aussi vieux que les législations coercitives actuelles. Elle donne droit à toute personne de penser comme elle le souhaite et de pouvoir exprimer ses opinions par tous les moyens qu’elle juge opportun, dans tous les domaines. Hélas, un tel principe se heurte à de multiples contraintes liées à sa cohabitation avec toute justice pernicieuse. La liberté d’expression fait face aujourd’hui à des architectures juridiques contraignantes visant à limiter les Hommes dans leurs manières de donner leurs avis. La justice destinée en principe à assurer la bonne mise en œuvre de ce droit qu’est la liberté d’expression, est dès fois détournée de son essence. La frange la plus touchée par ce fait s’avère être le sérail des journalistes.

La presse sous silence

En effet, le rapport de « Reporters Sans Frontières » publié le mercredi 25 avril 2018 parle d’une « haine du journalisme » qui anéantie les démocraties. Cette dégradation de la liberté de la presse est due en grande partie à l’instrumentalisation des textes juridiques chargés de garantir les droits des citoyens. En 2017, le bilan de « Reporters Sans Frontières » avait fait état de ce que 65 journalistes ont été tués et 326 emprisonnés. Tous ces journalistes emprisonnés sont pour la plupart victimes des imprécisions des législations ou de la mauvaise foi des législateurs. En effet, les mots de l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’Homme cités en dessus laisse apparaitre des réserves à la liberté d’expression en ces termes : « …, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi ». Cette réserve a laissé une brèche ouverte à certains pays qui ont repris les termes sans donner une définition précise de ce qu’est le « trouble à l’ordre public ». De même, certaines législations dans l’optique de protéger les chefs de l’Etat au détriment de la liberté d’expression, en ont usé pour réprimer toute « offense au chef de l’Etat », expression non définie et qui s’applique à tort et à travers, ne laissant pas les journalistes en rade. « Les pays, devenus trop dangereux, se vident de leurs journalistes » explique « Reporters Sans Frontières ». Une manière de dire que le journaliste est perçu de nos jours comme une proie sur laquelle, certains dirigeants n’hésitent pas à sauter du tic au tac.
Source: Reporters Sans Frontières 

Liberté d’expression, un désir utopique ?

La liberté de la presse demeure un principe du droit international qui apparaît dans la déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU aux termes de l’article 19 : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Ce qui suppose d’ailleurs une liberté absolue dans la collecte et la diffusion des informations. Cette autonomie est l’essence même du journalisme et sans elle, le métier serait exsangue. Ainsi, comme le dit Albert Camus : « Une presse libre peut, bien sûr, être bonne ou mauvaise, mais sans liberté, la presse ne sera très certainement que mauvaise ».

Toutefois l’on pourrait se demander si cet idéal prôné par les conventions internationales n’est pas une utopie. En effet, aussi libre qu’il puisse être, le journaliste ne saurait aller au- delà des normes établies dans une sphère bien déterminée. Par conséquent, il est appelé à se conformer à ces normes (souvent taillées à la mesure) sous réserve de se retrouver derrière les barreaux ou même d’engager la responsabilité de son commettant. Pour bien exercer son métier, le journaliste pourrait pourtant se fier à l’éthique et à la déontologie qui ont une valeur de règles morales pouvant lui garantir un bon exercice.

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