vendredi 29 mars 2019

Dakar est malade !

La capitale sénégalaise souffre et s’étouffe. Toutes ses artères sont infectées. L’anarchie notée au sein de l’espace public est devenue épidémique et se propage de jour en jour. 

Gare routière de Petersen à Dakar




Le constat est unanime. L’occupation anarchique de l’espace public est un fait. Le quartier de « Difoncé » situé vers Dakar Plateau en est une parfaite illustration. Une colonne de cars rapides garés le long de la route, des tabliers occupant les trottoirs et les piétons circulant dangereusement sur la chaussée côte à côte avec les véhicules, tel est le décor de cette rue tant fréquentée. Assis sur un banc, non loin des bus tata, les yeux rouges, une bouteille de jus de bissap à la main, Issakha se désole de cette situation. « Le stationnement anarchique des voitures sur les trottoirs est juste insensé. Je ne comprends pas pourquoi les autorités ne prennent pas leurs responsabilités pour les déguerpir » dénonce-t-il. Le pire reste les conséquences sanitaires qu’engendre cette anarchie. Si on se tient aux propos de nos interlocuteurs, la fumée dégagée par les voitures pollue l’air et la plupart de ceux qui fréquentent les lieux souffrent de maladies pulmonaires. « Chaque jour, à ma descente, je suis obligée de boire du lait, sinon je ne pourrais pas dormir tranquillement » nous confie une vendeuse de fruits. Pour pallier ce problème, les autorités municipales ont déployé sur le terrain des agents chargés de mettre des sabots de Denver sur les roues des voitures males stationnées et de faire payer des amendes à leurs propriétaires. Toutefois, cette mesure manque d’efficacité car ne pouvant pas atteindre toutes les artères de la ville. Interrogée sur le sujet, la mairie de Médina a allégué un « manque de moyens » notoire qui freine leurs politiques de déguerpissement des occupants de la voie publique. Selon Mme Doucouré, conseillère municipale, « L’acte 3 de la décentralisation en est la cause ». La situation ne tombe pas du ciel. La principale raison reste la croissance de la population dakaroise qui entraîne une augmentation du parc automobile. Selon l’Agence National de la Statistique et de la Démographie (ANSD) Dakar comptent près de 375.000 voitures, c’est-à-dire 2 sur 3 au niveau national. 
Marché HLM 
L’avenue Cheikh Anta Diop présente le même désordre. La devanture de l’Université (en face de la Brioche dorée) est occupée par des marchands qui en ont fait un mini marché. Ici les passants partagent la chaussée avec les véhicules faute de trottoirs qui sont occupés par les commerçants. Du coup, les automobilistes se voient obliger, à chaque fois, de freiner pour permettre aux piétons de traverser la route. C’est d’ailleurs ce qui est à l’origine des multiples embouteillages notés sur cet axe, surtout aux heures de la descente. Interviewé sur la question, un étudiant nous met dans une autre piste en nous signalant le cas des cérémonies religieuses qui s’organisent au sein du campus social de l’université et qu’il considère comme étant de l’anarchie. C’est aux environs de 12h que nous nous sommes rendus vers le pavillon A de l’université pour la constater. Déjà à cent mètres, nous percevions des chants religieux qui résonnent dans les alentours. Les sonorités s’amplifient au fur et à mesure que nous nous approchions du pavillon. Arrivé au premier étage, on aperçoit un cercle de jeunes vêtus de grands boubous, les têtes baissées sur des livres avec des écritures arabes. La main collée à l’oreille, un d’entre eux dirige le chœur en haute voix. Tout le bâtiment résonnait ainsi aux rythmes de ces incantations. Les autres faisaient des va et vient sans jeter un regard particulier au groupe, comme s’ils étaient habitués à cette scène. Interrogé sur le sujet, un des fidèles justifie leur acte par une nécessité de « manifester leur croyance et de vivre leur religion au quotidien ». Toutefois, le bonheur des uns semble faire le malheur des autres. Rencontré au rez-de-chaussée, John, vêtu d’une culotte et d’un débardeur avec un air renfrogné, nous confie son désaccord par rapport à ces cérémonies religieuses organisées au sein des pavillons. «J’étais en train de dormir comme ça et ils m’ont réveillé. C’est vrai que c’est leur religion, mais ils doivent quand même prendre en compte le milieu dans lequel nous sommes »  se désole-t-il. Dans ce milieu universitaire, il est noté un certain laisser-aller favorisant une banalisation des cas d’occupation anarchique de l’espace.

Pourtant des règles ont été édictées pour réguler l’occupation de l’espace public en général. C’est à l’exemple de la loi 74-13 du 24 juin 1974 qui régit les manifestations sur la voie publique et la loi 78-02 du 29 janvier 1978 relative aux réunions publiques. Ces deux lois garantissent la protection de l’ordre public et le respect des libertés publiques.

Aux termes des dispositions de l’article 96 du code pénal, les réunions sur la voie publique sont interdites. Cependant, le même article prévoit que toutes les manifestations sur la voie publique doivent être soumises à une déclaration préalable 3 jours francs au moins et  15 jours au plus avant la tenue de la manifestation. Cette déclaration doit être adressée à l’autorité administrative chargée de l’ordre public. Dans cette armada réglementaire, nous pouvons noter la création du Programme National de Lutte contre les Encombrements (PNLE). Ce programme créé par la loi de Finance 2007 est rattaché au Secrétaire général du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat. Selon Mounirou Ly, directeur du programme, « Le PNLE a pour missions de veiller au respect des lois et règlements en matière d’occupation de l’espace public, d’élaborer et de mettre en œuvre la stratégie nationale de lutte contre les encombrements, d’appuyer les collectivités locales dans la gestion de l’espace public y compris la mise en œuvre de la police des encombrements ». Toutefois, il faut noter qu’il y a un certain laxisme noté dans l’application de ces lois et règlements pour lutter contre ce phénomène.

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