Mme la Première Dame du Sénégal,
J’ai
eu écho de votre amabilité et de votre sens à l’écoute. Le site de la
présidence de la République du Sénégal a tenu aussi à magnifier votre « capacité
d’écoute et de communication avec les couches pauvres de la population et les
jeunes ». Sans être panégyriste,
j’ose gober ces mots en étant de bonne foi.
Vous serez certainement étonné de recevoir ce courrier dont
le destinateur vous est inconnu. Mais rassurez-vous, je ne suis que la « bouche des malheurs qui n’ont point
de bouche ». En effet, Ce sont les mots d’Hillary Clinton
qui m’ont mis la puce à l’oreille. Elle suppose que : « Première dame dans un pays, ce n'est pas un emploi, c'est un rôle », raison pour laquelle j’ai fait de vous
mon émissaire, compte tenu de vos qualités précitées, afin de faire parvenir à
votre mari nos maux en attendant ses mots. Je ne doute pas de votre influence sur l’exercice du pouvoir exécutif.
Comme l’affirmait quidam : « Nous devons tous
remercier M.F, c’est grâce à elle que nous sommes dans le gouvernement ». Chose
regrettable, mais il en est ainsi. J’ose donc espérer que ma lettre est dans de
bonnes-mains.
Mme Sall, seule dans votre palais allongée sur votre lit somptueux, êtes-vous satisfaite de la manière dont votre époux
gouverne le pays ? Êtes-vous d’avis avec ses décisions ? Avez-vous
une fois essayé de remonter les bretelles à votre « Macky national »,
pour ses multiples dérives ? Tant d’autres interrogations que je voudrai
vous exposer mais hélas ce bout de papier ne pourra pas toutes les contenir.
Permettez-moi donc d’être concis et bref.
Notre pays est dans un état déplorable. Tous les
secteurs sont aujourd’hui en ébullition. Le régime de votre mari nous a vendu
un rêve, celui d’un « Sénégal émergent ». Nous y avons cru. Mais aujourd’hui
on se rend compte que notre pays est en chute libre, en parfaite immersion.
Il serait une lapalissade de vous dire que votre
mari a cédé tous les secteurs générateurs de revenues à nos anciens
colonisateurs, aujourd’hui nos pilleurs sans vergogne. Son prédécesseur, de
surcroit son père idéologique, Abdoulaye Wade avait pourtant annoncé les
couleurs d’une politique économique endogène en favorisant les entreprises
locales au détriment de celles de l’extérieur. Après juste sept années de
gouvernance, on constate que tous nos secteurs clés sont sous le joug de la
France. Les illustrations pourraient s’étaler sur une dizaine de pages, mais
permettez-moi de vous en citer quelques-unes. Le terminal roulier du port
autonome de Dakar destiné à l’import et l’export est attribué à Bolloré Africa Logistics, le terminal
vraquier exploité pour l’import et l’export de marchandises solides en vrac est
attribué à Necotrans. Le Train
Express National (TER) constitue une autre preuve de la subordination de notre
pays à la métropole ; Alstom se
chargera de le construire, la construction de la voie ferrée revient à Eiffage Rail, l’exploitation et la
maintenance sont assurées par la Société Nationale des Chemins de fer
Français (SNCF) et la Régie Autonome
des Transports Parisiens (RATP). Par
conséquent, votre mari sauve 400 emplois de Belfort, l’un des 12 sites français d’Alstom menacé de fermeture. Ses
choix ne sauraient s’expliquer d’autant plus que certaines entreprises
ferroviaires françaises n’hésitent pas à aller acheter leurs locomotives dans
d’autres pays. C’est le cas d’Akiem (filiale de la SNCF) qui a attribué à
l’allemand Vossloh une commande de 44 motrices pour un montant de 140 millions
d’euros au détriment d’Alstom. Les entreprises françaises elles-mêmes sont
conscientes de la qualité des trains du constructeur allemand mais aussi de
leurs prix très inférieur à ceux d’Alstom. Je ne pourrais taire le scandale d’Auchan. Cette multinationale ne cesse
d’affaiblir nos petites et moyennes entreprises et le régime de votre mari
semble être d’avis avec sa politique.
Pendant que votre époux et son gouvernement nous
annoncent sans cesse l’augmentation du taux de croissance, la population
sénégalaise vit dans une précarité inexplicable. Pendant qu’ils s’empressent de
créer « une nouvelle ville » où se limite leur vision, les habitants
de la capitale peinent à voir le bout du tunnel. Entre pénurie d’eau, de poches
de sang, d’essence, de médicaments j’en passe, la hausse du taux de croissance
semble être soit une malédiction soit une chimère. Dés fois je me demande même
si vous êtes toujours dans ce pays, si vous recevez les bons rapports, les bons
comptes rendus, si vous sentez vraiment cette souffrance que vit la population.
Vous-même Madame la Première dame vous dites vouloir « servir le Sénégal »
alors que vous tombez dés fois dans un
énorme gâchis. C’est le cas de votre « Nuit de l’émergence » que vous
avez organisé à Saint-Louis où, vous avez distribué des millions et des
millions à des « leaders politiques » venant des localités environnantes.
Comme votre époux, vous n’incarnez pas la rupture, vous êtes toujours dans le
système qui asphyxie notre pays depuis
notre indépendance. Je vois que le pouvoir est assez grisant.
Notre justice est fragilisée aujourd’hui. Personne
n’aurait cru que nos magistrats auraient perdu leur légitimité à ce point
allant même jusqu’à être traités de tous les noms d’oiseau, chose impensable
dans le passé. Ce constat est même fait par le Président de l’Union des Magistrats
du Sénégal, Souleymane Téliko qui, lors de leur Assemblée générale ordinaire du
samedi 4 août 2018 a reconnu que : « ces attaques traduisent une inquiétante et progressive rupture de
confiance entre nos concitoyens et la justice. Un devoir d’introspection nous
incombe à tous ». Et c’est toujours M. Téliko qui a fustigé le manque
de transparence et d’équité dans le traitement de certains dossiers. « il nous faut
reconnaitre que les activités et déclarations politiques que certains de nos
collègues en violations flagrantes de notre statut, la sélectivité dans le
traitement des dossiers, le rythme particulier auxquelles sont soumises
certaines affaires, les postures et positions de certains d'entre nous
contribuent à conforter dans l'esprit de nos concitoyens le sentiment d'une
justice à deux vitesse et aux ordres. » déclare-t-il. Dans un pays où le pouvoir exécutif ne cesse d’inhiber
le pouvoir judiciaire et de contrôler le législatif, il est impensable d’y
vivre une minute de démocratie. La sélectivité de notre justice fait que les
proches de votre époux ne sont jamais inquiétés même s’ils sont en flagrant
délit. C’est le cas du directeur du COUD qui a été épinglé par des dizaines de
rapports de l’IGE et pourtant, il n’a jamais reçu une lettre du procureur
général qui d’ailleurs semble orienter son auto-saisine que d’un seul côté. Il est
temps de faire une introspection et de reconnaitre que nos institutions majeures
sont agenouillées depuis l’arrivée de votre mari à la tête du pays.
Je ne pourrai terminer cette lettre sans vous rappeler que
tout pouvoir est appelé à avoir une fin, seul le pouvoir divin est perpétuel.
Un jour, vous rendrez compte de tout ce que vous avez fait dans votre « règne »,
que ça soit sur terre ou dans l’au-delà. Faites en sorte que les générations à
venir ne regrettent pas votre régime en lisant l’histoire de leur pays. Permettez-moi
de vous rappeler une citation d’Alfred Auguste Pilavoine pour fermer cette
lettre. « Si l'homme
connaissait bien la haute nature du pouvoir, l'immense responsabilité qu'il impose
et le triste penchant qui le porte à en abuser, il serait beaucoup plus effrayé
d'être appelé à l'exercer qu'avide de l'obtenir ».
Prenez le temps de réfléchir sur tout ça avant d’aller parler
à votre mari. Ayez une lecture objective sans laisser votre esprit me qualifier
de « politique ». Je ne suis qu’un jeune qui se soucie du devenir de
son pays et qui n’a que sa plume pour se faire entendre. Et comme disait l’autre :
« la politique devient grande lorsqu’elle écoute les petits ».
Ecoutez-moi donc.
Veuillez recevoir, Mme la Première dame, mes salutations
distinguées.