dimanche 12 août 2018

Lettre Ouverte à la Première Dame du Sénégal



Mme la Première Dame du Sénégal,


J’ai eu écho de votre amabilité et de votre sens à l’écoute. Le site de la présidence de la République du Sénégal a tenu aussi à magnifier votre « capacité d’écoute et de communication avec les couches pauvres de la population et les jeunes ». Sans être panégyriste, j’ose gober ces mots en étant de bonne foi.

Vous serez certainement étonné de recevoir ce courrier dont le destinateur vous est inconnu. Mais rassurez-vous, je ne suis que la « bouche des malheurs qui n’ont point de bouche ». En effet, Ce sont les mots d’Hillary Clinton qui m’ont mis la puce à l’oreille. Elle suppose que : « Première dame dans un pays, ce n'est pas un emploi, c'est un rôle », raison pour laquelle j’ai fait de vous mon émissaire, compte tenu de vos qualités précitées, afin de faire parvenir à votre mari nos maux en attendant ses mots. Je ne doute pas de votre influence sur l’exercice du pouvoir exécutif. Comme l’affirmait quidam : « Nous devons tous remercier M.F, c’est grâce à elle que nous sommes dans le gouvernement ». Chose regrettable, mais il en est ainsi. J’ose donc espérer que ma lettre est dans de bonnes-mains.

Mme Sall, seule dans votre palais allongée sur votre lit somptueux, êtes-vous satisfaite de la manière dont votre époux gouverne le pays ? Êtes-vous d’avis avec ses décisions ? Avez-vous une fois essayé de remonter les bretelles à votre « Macky national », pour ses multiples dérives ? Tant d’autres interrogations que je voudrai vous exposer mais hélas ce bout de papier ne pourra pas toutes les contenir. Permettez-moi donc d’être concis et bref.
Notre pays est dans un état déplorable. Tous les secteurs sont aujourd’hui en ébullition. Le régime de votre mari nous a vendu un rêve, celui d’un « Sénégal émergent ». Nous y avons cru. Mais aujourd’hui on se rend compte que notre pays est en chute libre, en parfaite immersion.

Il serait une lapalissade de vous dire que votre mari a cédé tous les secteurs générateurs de revenues à nos anciens colonisateurs, aujourd’hui nos pilleurs sans vergogne. Son prédécesseur, de surcroit son père idéologique, Abdoulaye Wade avait pourtant annoncé les couleurs d’une politique économique endogène en favorisant les entreprises locales au détriment de celles de l’extérieur. Après juste sept années de gouvernance, on constate que tous nos secteurs clés sont sous le joug de la France. Les illustrations pourraient s’étaler sur une dizaine de pages, mais permettez-moi de vous en citer quelques-unes. Le terminal roulier du port autonome de Dakar destiné à l’import et l’export est attribué à Bolloré Africa Logistics, le terminal vraquier exploité pour l’import et l’export de marchandises solides en vrac est attribué à Necotrans. Le Train Express National (TER) constitue une autre preuve de la subordination de notre pays à la métropole ; Alstom se chargera de le construire, la construction de la voie ferrée revient à Eiffage Rail, l’exploitation et la maintenance sont assurées par la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF) et la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP). Par conséquent, votre mari sauve 400 emplois de Belfort, l’un des 12 sites français d’Alstom menacé de fermeture. Ses choix ne sauraient s’expliquer d’autant plus que certaines entreprises ferroviaires françaises n’hésitent pas à aller acheter leurs locomotives dans d’autres pays. C’est le cas d’Akiem (filiale de la SNCF) qui a attribué à l’allemand Vossloh une commande de 44 motrices pour un montant de 140 millions d’euros au détriment d’Alstom. Les entreprises françaises elles-mêmes sont conscientes de la qualité des trains du constructeur allemand mais aussi de leurs prix très inférieur à ceux d’Alstom. Je ne pourrais taire le scandale d’Auchan. Cette multinationale ne cesse d’affaiblir nos petites et moyennes entreprises et le régime de votre mari semble être d’avis avec sa politique.

Pendant que votre époux et son gouvernement nous annoncent sans cesse l’augmentation du taux de croissance, la population sénégalaise vit dans une précarité inexplicable. Pendant qu’ils s’empressent de créer « une nouvelle ville » où se limite leur vision, les habitants de la capitale peinent à voir le bout du tunnel. Entre pénurie d’eau, de poches de sang, d’essence, de médicaments j’en passe, la hausse du taux de croissance semble être soit une malédiction soit une chimère. Dés fois je me demande même si vous êtes toujours dans ce pays, si vous recevez les bons rapports, les bons comptes rendus, si vous sentez vraiment cette souffrance que vit la population. Vous-même Madame la Première dame vous dites vouloir « servir le Sénégal »  alors que vous tombez dés fois dans un énorme gâchis. C’est le cas de votre « Nuit de l’émergence » que vous avez organisé à Saint-Louis où, vous avez distribué des millions et des millions à des « leaders politiques » venant des localités environnantes. Comme votre époux, vous n’incarnez pas la rupture, vous êtes toujours dans le système qui  asphyxie notre pays depuis notre indépendance. Je vois que le pouvoir est assez grisant.

Notre justice est fragilisée aujourd’hui. Personne n’aurait cru que nos magistrats auraient perdu leur légitimité à ce point allant même jusqu’à être traités de tous les noms d’oiseau, chose impensable dans le passé. Ce constat est même fait par le Président de l’Union des Magistrats du Sénégal, Souleymane Téliko qui, lors de leur Assemblée générale ordinaire du samedi 4 août 2018 a reconnu que : « ces attaques traduisent une inquiétante et progressive rupture de confiance entre nos concitoyens et la justice. Un devoir d’introspection nous incombe à tous ». Et c’est toujours M. Téliko qui a fustigé le manque de transparence et d’équité dans le traitement de certains dossiers. « il nous faut reconnaitre que les activités et déclarations politiques que certains de nos collègues en violations flagrantes de notre statut, la sélectivité dans le traitement des dossiers, le rythme particulier auxquelles sont soumises certaines affaires, les postures et positions de certains d'entre nous contribuent à conforter dans l'esprit de nos concitoyens le sentiment d'une justice à deux vitesse et aux ordres. » déclare-t-il. Dans un pays où le pouvoir exécutif ne cesse d’inhiber le pouvoir judiciaire et de contrôler le législatif, il est impensable d’y vivre une minute de démocratie. La sélectivité de notre justice fait que les proches de votre époux ne sont jamais inquiétés même s’ils sont en flagrant délit. C’est le cas du directeur du COUD qui a été épinglé par des dizaines de rapports de l’IGE et pourtant, il n’a jamais reçu une lettre du procureur général qui d’ailleurs semble orienter son auto-saisine que d’un seul côté. Il est temps de faire une introspection et de reconnaitre que nos institutions majeures sont agenouillées depuis l’arrivée de votre mari à la tête du pays.

Je ne pourrai terminer cette lettre sans vous rappeler que tout pouvoir est appelé à avoir une fin, seul le pouvoir divin est perpétuel. Un jour, vous rendrez compte de tout ce que vous avez fait dans votre « règne », que ça soit sur terre ou dans l’au-delà. Faites en sorte que les générations à venir ne regrettent pas votre régime en lisant l’histoire de leur pays. Permettez-moi de vous rappeler une citation d’Alfred Auguste Pilavoine pour fermer cette lettre. «  Si l'homme connaissait bien la haute nature du pouvoir, l'immense responsabilité qu'il impose et le triste penchant qui le porte à en abuser, il serait beaucoup plus effrayé d'être appelé à l'exercer qu'avide de l'obtenir ».

Prenez le temps de réfléchir sur tout ça avant d’aller parler à votre mari. Ayez une lecture objective sans laisser votre esprit me qualifier de « politique ». Je ne suis qu’un jeune qui se soucie du devenir de son pays et qui n’a que sa plume pour se faire entendre. Et comme disait l’autre : « la politique devient grande lorsqu’elle écoute les petits ». Ecoutez-moi donc.

Veuillez recevoir, Mme la Première dame, mes salutations distinguées.


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