samedi 11 mai 2019

« Un sportif qui meurt subitement est un cardiaque qui s’ignorait »

Docteur Mbaye PAYE
Crédit photo: Leral.net

La mort subite est devenue un phénomène très répandu.  Définie comme un décès  naturel survenant de façon inattendue, elle est parfois le premier symptôme d’une maladie sous-jacente. Dans cet entretien, le docteur Mbaye Paye, cardiologue et médecin du sport, revient en grande partie sur les principales causes et les mesures à prendre pour éviter cet  arrêt cardiaque brutal.

On constate, ces derniers temps, qu’il y a de plus en plus de cas de mort subite. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce fait ?

Il faut d’abord savoir que la mort subite peut survenir au repos ou au cours d’une activité physique. Parfois, elle est précédée de symptômes, moins d’une heure avant l’arrêt du cœur. En général c’est des palpitations, un essoufflement, une douleur thoracique, des vertiges voire une syncope ou une lipothymie. C’est dû à un trouble du rythme ventriculaire rapide et inefficace, qui entraine une baisse du rythme cardiaque. Dés fois, le sujet est un sportif en bonne santé et qui, lors de son activité, révèle une pathologie qui était inconnue.

Vous avez évoqué le cas des sportifs professionnels qui sont très souvent victimes. Pourquoi sont-ils si exposés ?

Quand on fait du sport, tous les organes sont sollicités, le cœur en priorité. Voilà pourquoi un sport pratiqué de manière intense peut avoir des effets secondaires pouvant conduire à la mort subite. 90% des cas de mort subite chez les sportifs sont liés à des anomalies cardiaques. On dit souvent qu’un sportif qui meurt sur le terrain est un cardiaque qui s’ignorait. Quand le sportif a moins de 35 ans, la principale cause cardiovasculaire est parfois liée à une maladie génétique appelée cardiomyopathie hypertrophique [augmentation globale du poids du muscle cardiaque NDLR] ou à une dysplasie arythmogène du ventricule droit qui est une substitution du tissu musculaire par un tissu fibreux qui entraîne des épisodes d’arythmie. Quand la victime a plus de 35 ans, la mort subite est le plus souvent liée à un infarctus du myocarde, c’est-à-dire un dysfonctionnement dans la circulation du sang dans l’artère coronaire, bouchée parfois par une plaque de graisse qui laisse sur les lieux un caillot de sang. Mais il ne faut pas aussi oublier le dopage qui cause un réel problème.

Quelles sont les précautions à prendre pour éviter une mort subite ?

Pour les sédentaires, il y a la prévention secondaire et celle primaire. La première, c’est quand l’accident est déjà installé. A ce sujet-là, on lui place un défibrillateur automatique implantable qui est un appareil captant les arythmies et stimulant le cœur. En plus de cela, il lui sera prescrit des médicaments pour réguler le taux de cholestérol et éviter les caillots de sang. La seconde, en l’occurrence la prévention primaire, est plus importante. Elle intervient quand il n’y a pas encore d’accident. Il ne faut pas attendre d’avoir des signes. A un certain âge, il faut commencer à contrôler sa tension artérielle et son taux de sucre, contrôler son poids pour éviter l’obésité ; et surtout éviter le tabac, l’alcool, la sédentarité et le stress. Mais également, il faudra avoir une alimentation saine, éviter le sel et manger cinq fruits et légumes par jour. Pour les sportifs, au-delà de ce que je viens de dire, chacun doit passer une visite médicale complète avant de pratiquer son sport. Après l’interrogatoire d’examen clinique, les sportifs sont soumis à un électrocardiogramme de repos qui vous donne un tracé du rythme cardiaque que le médecin va interpréter. Si l’examen ne révèle rien de particulier, il vous délivre un certificat attestant de l’absence de contre-indication à la pratique sportive. Ce qui doit se faire chaque année.

Est-ce qu’il n’y a pas des professionnels qui passent entre les mailles du filet ?

 Bien sûr qu’il y en a. Il y a des sportifs qui ne font jamais de visite médicale. Ça on le sait tous. Et c’est de la responsabilité des fédérations. On ne doit pas avoir une licence dans une fédération respectable sans faire une visite médicale. Il existe dix règles, appelées les règles d’or, que nous soumettons aux sportifs et qu’ils doivent soigneusement respecter.

Quelles sont ces règles ?

Si le sportif, au cours de son activité physique, a des palpitations, des douleurs thoraciques, un essoufflement, des vertiges, un malaise, une syncope ou une lipothymie il doit arrêter et aller voir un médecin. Il faut qu’il fasse une visite médicale de manière régulière surtout chez l’homme de plus de 35 ans et la femme de plus de 45. Il faut éviter de faire une activité physique sportive quand il fait plus de 35°. Le sportif doit faire un échauffement avant de pratiquer son sport et une récupération de 10 à 15 minutes pour préparer son cœur. Un sportif qui a de la fièvre ou une grippe ne doit pas faire de sport dans les huit jours qui suivent sa maladie. Il doit se reposer pendant 10 jours au moins. Il faut qu’il soit habitué à boire de l’eau même s’il n’a pas soif, trois à quatre gorgées toutes les 30 minutes lorsqu’il est sur le terrain. Un sportif ne doit pas fumer. Et la dernière règle c’est d’éviter l’automédication et les substances dopantes.

Quels doivent être les premiers réflexes face à une victime de malaise cardiaque ?

La survie de la victime dépend du temps de prise en charge. Dès qu’on voit une personne qui tombe avec une absence de conscience, de mouvements respiratoires et de pouls carotidiens, il faut appeler les secours et, en attendant commencer un massage cardiaque par série de 30 en faisant successivement deux bouches à bouches. Il faut également utiliser un défibrillateur pour faire un choc électrique. Ça doit être bien organisé. 

Mais est-ce que ces défibrillateurs sont à la portée de tous ?

C’est vrai qu’il y a un déficit. Mais ils doivent être partout, dans les rues, dans les hôtels, les aéroports, dans tous les lieux publics. Et il faudrait former les populations à l’utilisation du défibrillateur. Parce que, plus l’arrêt cardiaque dure, moins on a de chance de survie.

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