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Crédit photo: Pikini production |
Le constat est unanime, le sérail des médias est aujourd’hui truffé de communicateurs traditionnels. Ces derniers spécifiques de par leurs
manières de communiquer et leur autonomie dans leurs interventions, ne sont
plus à minimiser, ils s’imposent de plus en plus dans les médias sénégalais. Sont-ils
les bienvenus ? Quels rôles jouent-ils dans les médias ? Sont-ils
indispensables de nos jours ? Entre autres interrogations ont été abordées
hier lors d’un panel organisé à l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)
de Dakar.
Toute personne douée pour la communication médiatique se voit aujourd’hui comme un communicateur. Cette large définition du
mot laisse une brèche ouverte à toute personne désireuse d’exercer une telle
tâche. C’est certainement par cette brèche que sont entrés les « communicateurs
traditionnels » dans le milieu médiatique. L’origine d’un tel vocable est très
discutable mais, la constante est qu’il a été inventé en 1990 par l’UNICEF. C’est
dans le cadre d’une campagne de sensibilisation pour un programme élargi de
vaccination que cette organisation a fait recours à ces personnages pour
vulgariser son programme. Ils sont à la base des médiateurs sociaux qui se
différencient des griots. En effet, tout griot n’est pas communicateur
traditionnel et vice-versa.
Concernant leur immixtion dans le monde médiatique, elle
date de très loin. Déjà en 1973, on ressentait leur présence dans les radios
par le biais d’émissions culturelles et récréatives. Toutefois, vers 1990, avec
l’arrivée des médias privés, on assiste à un essor du paysage médiatique.
Ainsi, ces nouveaux groupes voulant innover en instaurant des programmes en continu,
se heurtent à un déficit de ressources humaines et financières. Par conséquent,
ils étaient obligés de faire appel à des animateurs qui ne demandaient pas une
forte rémunération et avaient le don de capter l’attention des auditeurs ou téléspectateurs.
C’est en ce moment qu’on voit réapparaître les communicateurs traditionnels non
pas comme des diffuseurs de message de sensibilisation, mais soit comme des
intervenants dans les émissions soit comme des animateurs. Ainsi, pour meubler
les plages horaires, les médias ont initié des émissions en langues locales dans
lesquelles, les communicateurs traditionnels étaient plus à l’aise d’autant
plus que les journalistes n’étaient pas trop destinés à ces genres de programmations.
Ces personnages sont présents dans certains pays de la sous-région, mais leur
forte présence dans les médias au Sénégal est une exception. N’ayant pas fait
des études en communication, ils n’imposent pas généralement à leurs employeurs
un contrat de prestation afin de s’assurer de la rémunération de leurs
interventions. Sur ce, ils ne cessent de porter des panégyriques à l’endroit de
certaines personnes qui en retour les donnent des sous et des cadeaux de grande
valeur. Raison pour laquelle, ils ne se plaignent pas de ne pas être des
salariés dans les médias dans lesquelles ils interviennent. Ces médias
deviennent pour eux des canaux qui les permettent de faire passer leurs
messages ou de louer leurs « géer » (nobles). C’est ce qui d’ailleurs,
en grande partie, devrait les différencier des journalistes qui en aucun cas ne
sont habilités à chanter les louanges de quiconque ou à recevoir des sous dans
le cadre de leur travail. Ce qui pose d’ailleurs la question des "per diem" qui
commencent à être légitimés dans le cercle médiatique sénégalais. A l’image des
communicateurs traditionnels qui demandent les frais de transport à la fin de
certaines cérémonies, certains journalistes entrent dans ce jeu du donnant
donnant contraire à la déontologie prônée par le métier.
L’existence de ces communicateurs traditionnels a pour
effet la démystification du métier de journaliste d’autant plus qu’on retrouve
aujourd’hui ces personnages dans la présentation des journaux télévisés en
langues nationales ou dans les revues de presse. Ainsi comme dit M. Moustapha
Mbengue, professeur à L’EBAD : « La tendance dans la presse
sénégalaise s’oriente vers un mimétisme des journalistes par rapport aux
comportements des communicateurs traditionnels ». Etant plus présents dans
les médias, ces communicateurs sont devenus les chouchous du public qui se retrouve
plus dans leur manière de faire étant donné qu’ils ne sont régis par aucun code
de déontologie et ne se soucient guère de l’éthique qu’on prône dans le journalisme.
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